Passer de la marge au centre sur un temps court semble relever de la gageure. C’est pourtant l’ambition du projet Confluence à Lyon : transformer les friches industrielles et logistiques de la presqu’île entre Saône et Rhône pour doubler la superficie du centre ville lyonnais.
La visite guidée du quartier Confluence avec les éco-délégués du lycée a permis non seulement d’appréhender et de parcourir un espace singulier réaménagé à travers le prisme du développement durable mais aussi de comprendre comment un espace marginal, lieu de déshérence , peut-être réversible et ne pas rester condamné justement à ce statut de marge.
Le guide a d’abord rappelé le site original de la capitale des Gaules. Lyon s’est d’abord développée à l’époque gallo-romaine sur la colline de Fourvière, les rives de la Saône, celles du Rhône étant trop dangereuses et inondables. Le sud de la presqu’île actuelle était fort différent, constitué d’une multiplicité de petits îlots inondables. Il n’empêche que dès le IVème siècle, des espaces urbanisés existaient de part et d’autre de la Saône. De l’Antiquité à l’époque moderne, Lyon se dote d’une double centralité : le Vieux Lyon en rive droite de la Saône, tout à l’ouest, qui conserve au XVIIIème siècle les centres religieux (palais archiépiscopal) et politique (palais comtal), et une centralité émergente organisée autour de la place royale, la Place Bellecour, idéalement située entre deux ponts, l’un franchissant la Saône et l’autre, le Rhône. La pointe sud de la presqu’île est alors toujours inoccupée.
Au XVIIIème siècle, Antoine-Michel Perrache propose de remblayer les terres au sud du quartier d’Ainay pour relier les îlots instables et ainsi, accroître les espaces urbanisables. Mais le projet est coûteux et peu d’activités s’installent. La construction de la gare de Perrache au XIXème siècle coupe la presqu’île en deux : au nord, le quartier d’Ainay, voué au commerce et à l’habitat ; au sud, le quartier de Perrache, industriel et logistique. Pour les Lyonnais, la ville s’arrêtait alors sous les voutes de la gare, la coupure urbaine étant matérialisée par les voies ferrées puis, à partir de 1971, par l’autoroute reliant le sud et l’ouest de la ville à travers le tunnel sous Fourvière, la frontière était autant matérielle que symbolique entre les deux espaces. Au-delà des voutes, on quittait Lyon pour pénétrer dans l’espace des usines, entrepôts, de l’arsenal, du port industriel Rambaud en bord de Saône, l’espace des ouvriers, des prisons St Paul et St Joseph.
L’ambition du projet Confluence lancé par le maire de Lyon, Raymond Barre, en 1995, est de vaincre l’effet-frontière et de passer à un effet de seuil. La marge peut être effectivement perçue comme un bout du monde, une rupture ou, au contraire, comme une transition vers un autre espace. De fait, la métamorphose est impressionnante : le tramway relie pleinement le quartier au reste du centre-ville, les friches industrialo-portuaires ont laissé place à des immeubles contemporains de bureaux, de commerces et de logements, à une promenade végétalisée sur les quais. Alors que le marché de gros et les prisons ont été délocalisées en banlieue est, à Corbas, les bâtiments pénitentiaires ont été reconvertis en cité universitaire pour l’Institut Catholique de Lyon et l’ancienne Sucrière accueille désormais la biennale d’art contemporain.
Le réaménagement de ce quartier a convoqué de nombreux architectes « stars » pour dessiner le nouveau siège du Conseil Régional Auvergne-Rhône-Alpes, la requalification des terrasses de la presqu’île ou le musée des Confluences à l’architecture déconstructiviste.
Enfin, un signe fort du déplacement de centralité : les Archives municipales, la mémoire de la ville a quitté le palais archiépiscopal St Jean du Vieux Lyon pour s’installer au pied de la gare de Perrache en lieu et place du tri postal.
Faire d’un espace de marge une nouvelle centralité à l’échelle de la ville et qui s’inscrit dans les préoccupations actuelles du développement durable relève d’un véritable défi qui a pu voir le jour grâce au soutien des acteurs publics (Communauté Urbaine de Lyon et ville de Lyon) et privés. Cependant, le projet Confluence n’est pas sans effet sur les habitants du quartier dont la gentrification entraîne l’éviction des populations les plus précaires, une entorse de taille au pilier social du développement durable. ..
Marie-Line Dumas, professeure d’histoire-géographie. Cet article a été écrit dans le cadre du programme Erasmus + et est accompagné d’une vidéo réalisée par les éco délégués du lycée. Vous pouvez la regarder en cliquant sur l’onglet vidéo.
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