Edito

Édito 2019

Impulser de nouvelles pratiques

La préoccupation pour les questions environnementales, pour l’écologie progresse au sein de la population et de la société civile.  Pour faire face au changement climatique, la nécessité d’un changement de mode de vie est aujourd’hui largement admise par les Français. Mais, pourtant, le passage à l’acte est encore difficile. Pourquoi ? Quels sont les freins aux changements ? Comment accompagner les modifications de comportements nécessaires ?

Pierre Rabhi nous donne un début de réponse (1). Selon lui, « la solution ne passe pas par le politique,  elle passe par l’élévation de la conscience ». Et, il ajoute « II faut une grande part d’écologie dans l’enseignement avec un jardin pour que les enfants apprennent ce qu’est la vie, avec un atelier manuel et non par des écrans. Cela commencera à aller mieux ».

Former des citoyens éco-responsables, c’est amener les élèves à réfléchir régulièrement au contenu de leur assiette, à sa qualité, aux conditions de sa production et de son impact sur l’économie, la santé et l’environnement mais aussi, à appréhender les questions inhérentes à la cause animale : peut-on élever les animaux et les abattre avec plus d’humanité ?

Sensibiliser à la qualité de l’alimentation et contribuer à la formation de futurs éco-consommateurs a constitué le thème de réflexion fédérateur cette année dans le cadre du projet ERASMUS AN II avec les établissements partenaires belge et allemand.

Eduquer au développement durable passe aussi par la capacité pour les élèves à communiquer sur leur propre engagement et pratiques, afin d’avoir de la lisibilité, non seulement au sein de l’établissement mais aussi à l’extérieur.

Ainsi, de par l’ampleur des thématiques et des enjeux qu’elle recouvre, l’éducation au développement durable constitue à l’échelle de l’école un préalable, un levier vers l’élévation de la conscience, vertu majeure dont le monde semble globalement démuni.

  • Le Monde, « C’est en lisant les philosophes que j’ai trouvé des réponses », 11 juin 2018.

Marie-Line Dumas, professeure d’histoire-géographie

Édito 2018

Des femmes et des hommes d’action et de conviction

N’en déplaise à Donald Trump, non, le réchauffement climatique n’est pas une idée inventée par les Chinois ! Les derniers événements météorologiques en témoignent.

Pourtant, il ne s’agit pas de céder au catastrophisme. Bien heureusement, de nombreux  acteurs « éclairés », principalement issus de la société civile, ont fait du développement durable un principe de vie. A ce titre, la projection du film Demain de Mélanie Laurent et Cyril Dion, le travail autour de la pensée de Pierre Rabhi et la rencontre avec la philosophe Cécile Renouard ont été l’occasion de constater que le développement durable est un véritable levier, une source d’innovations et de créativité.

A Mongré, dans le cadre de nos actions pédagogiques, nous nous sommes inspirés de cet élan dynamique et positif afin d’engager nos élèves au quotidien : covoiturage, repas sans viande, apiculture, journée zéro-déchets, recyclage etc.

Ces initiatives s’ancrent parfaitement dans les programmes disciplinaires, le développement durable constituant même pour certaines d’entre elles le fil rouge. Elles permettent de leur donner plus de sens au travers d’une approche transversale. C’est aussi, à Mongré, le cœur de notre projet éducatif qui nous a valu à deux reprises d’être labellisés établissement éco-responsable.

Apprendre des autres et apprendre aux autres a été notre devise en 2017. L’échange avec d’autres élèves européens a permis aussi de mutualiser nos pratiques respectives quant à la façon de vivre notre engagement. Les jeunes ont collecté puis transformé des emballages domestiques en objets créatifs dont l’originalité a été reconnue par le Rectorat dans le cadre de notre participation au concours intitulé Les Experts du Papier.

Alors certes, certains parlent beaucoup du développement durable mais d’autres agissent aussi en son nom en essayant de concilier harmonieusement les trois piliers qui le caractérisent.

Marie-Line Dumas, Professeure d’histoire-géographique, référente EDD au lycée.

 

Édito 2017

Erasmus, un humaniste européen.

L’investissement de notre établissement dans la démarche d’éducation au développement durable a été reconnu cette année par l’Académie et la Région. Sur les 567 collèges et lycées de l’Académie de Lyon, seuls 60 ont été labellisés dont : 33 en niveau 1 (engagement), 21 en niveau 2 (approfondissement) et 7 en niveau 3 (déploiement). Mongré a reçu deux diplômes de niveau 3, un pour le collège et un pour le lycée. Nous en sommes très fiers ! C’est une belle reconnaissance de l’investissement des élèves et du travail effectué.

Mais la maturité dans un projet a toujours un revers : Comment rester exemplaire autrement qu’en pérennisant l’existant ? Un vrai défi avec des budgets et des subventions qui s’amenuisent dans un contexte de récession et de restriction budgétaire.

Notre journal Vert Mongré doit donc réduire sa présente édition à 6 pages alors qu’il fût un temps où il en comptait jusqu’à 23 ! Mais que le lecteur curieux se rassure, il  pourra les retrouver dans leur intégralité sur le blog du développement durable : https://vertmongre.wordpress.com

Une partie de la réponse à notre préoccupation vient désormais des fonds  européens dans le cadre du projet ERASMUS+ qui vont nous  permettre d’approfondir l’approche du développement durable à une échelle internationale. Le projet Solidarité internationale initié en 2013 en coopération avec une communauté éducative de l’Assomption installée à Notsé au Togo a déjà permis d’ouvrir cette voie. Le projet Erasmus+  quant à lui concerne outre notre établissement, un collège situé à Berlin et un lycée situé en Belgique. Il s’agit d’établir un partenariat mais aussi des échanges sur trois ans. Cette année, nous allons mutualiser nos expériences autour de la réflexion suivante : Comment vivre concrètement de façon éco-citoyenne et éco-responsable au sein de l’établissement ? A ce titre, Mongré, et ses éco délégués s’apprêtent à recevoir cette année les élèves allemands et belges pendant une semaine.

Erasmus+, belle dénomination pour un projet qui emprunte son nom au « prince de l’humanisme » qui au XVIème Siècle s’inscrit dans ce mouvement intellectuel et place l’Homme au centre de la réflexion. Profondément européen comme ses homologues humanistes, il a été incontestablement un artisan de l’Europe culturelle. Homme engagé dans la cité et les luttes de son temps, il a pris position et a même conseillé les princes. Puissions-nous nous inscrire dans ses pas à travers le prisme de l’éducation au développement durable, pérenniser cette tradition de l’échange, du dialogue et contribuer ainsi à former des citoyens éclairés, curieux de l’humain,  engagés et acteurs de leurs propres choix !

Marie-Line Dumas, professeure d’histoire-géographie, référente E3D

Édito 2015/2016

Mon ventre et ma conscience. 

Manger est un acte primitif, un besoin vital. Pourtant, la question de l’alimentation a longtemps été négligée par les philosophes qui ont mis la pensée au cœur de leur réflexion, oubliant l’animalité qui est en nous. Or, comme le rappelle Montaigne dans les Essais (1595) : « Sur le plus beau trône du monde, on n’est jamais assis que sur son cul ». Aussi, n’en déplaise à notre substance pensante, nous avons un corps et sommes bien dépendants des aliments que nous assimilons.

Pour autant, en se nourrissant, l’homme passe de la sphère de la nature à celle de la culture et par le choix des produits qu’il consomme, il cultive sa pensée. « Il est une question dont le « salut de l’humanité » dépend (…) c’est la question du régime alimentaire » disait Nietzsche (Ecce Homo, 1908).

Soit, mais à l’heure de l’industrialisation alimentaire, comment contenter notre estomac et notre raison ? Doit-on se régaler d’une viande issue d’animaux élevés et tués dans des conditions déplorables ? La préparation et la dégustation de denrées, gorgées de produits toxiques pour nous-mêmes et pour la terre, ont-elles encore un sens ?

Plus qu’une mode, les régimes alimentaires non subis ou non conditionnés sont le signe d’une volonté de réconciliation du corps et de l’âme, de l’intériorité (moi) et de l’extériorité (la nature).

Manger n’est pas ingurgiter, et plus l’homme s’instruit sur la qualité des denrées qu’il achète, plus il redevient maître d’un acte ancestral. D’ailleurs, l’existence de labels (AB, Ecocert, Label Rouge…) a bien pour finalité de rendre les consommateurs plus responsables. Le philosophe Brillat-Savarin  écrivait dans son traité la Physiologie du goût (1825) : « Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es ».

Au restaurant scolaire de Mongré, les produits de saison, de proximité, issus de l’agriculture biologique sont privilégiés car nourrir les jeunes est un acte culinaire et moral à la fois. L’assiette des élèves témoigne que l’établissement est, cette année encore, en démarche de développement durable (E3D).

Bien cultiver la terre et bien cultiver l’esprit. Bien manger, bien éduquer.

Cécile Lecocq Hubert, professeur documentaliste et professeur de philosophie.

Édito 2013/2014

Vert Mongré : entre rêve et réalité

Pierre Rabhi, dans son livre L’espèce humaine face à son devenir, raconte cette légende amérindienne :

Un jour, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! »
Et le colibri lui répondit : « Je le sais, mais je fais ma part. »
Beaucoup pensent que l’éducation au développement durable est utopique et donc stérile. Ils ont raison sur le premier point, mais tort dans leur conclusion. L’éducation, l’écologie (au sens politique du terme) et qui plus est, l’éducation à l’écologie sont utopiques dans la mesure où elles ne seront jamais achevées. La tâche est infinie, et tel Sisyphe, poussant son rocher, nous sommes, nous autres éducateurs, condamnés à toujours nous remettre à l’ouvrage. Pour autant, cette action n’est pas vaine pour deux raisons :
Tout d’abord parce que, comme le dit Camus, « il faut imaginer Sisyphe heureux ». Nous pouvons trouver notre bonheur dans l’accomplissement de la tâche elle-même et non dans le résultat.
Ensuite, parce que le regard utopique sur le monde permet de s’en détacher, de se projeter au-delà du présent, d’imaginer des alternatives et de proposer des idées neuves.
L’utopie, loin d’être stérile, est alors féconde. Les jeunes de Mongré réfléchissent rationnellement afin de proposer un autre vivre ensemble, plus respectueux des hommes et de la nature. Des actions effectives voient le jour : un potager biologique, une oasis nature, un échange solidaire avec une communauté du Togo, des actions de sensibilisation au covoiturage, etc.
Certes, la finalité ultime qui est le comportement responsable des hommes vis-à-vis d’eux-mêmes et de la nature reste un rêve ; mais des objectifs éco-citoyens sont tous les ans atteints et les éco-délégués, tels des colibris, font leur part.
Je ne peux terminer ce billet sans rendre hommage à Denis Jaillard, notre précédent directeur, qui a œuvré pendant huit ans afin que nous puissions concrétiser, à Mongré, nos rêves écologiques.

Cécile Lecocq Hubert, professeur documentaliste et professeur de philosophie.

Édito 2012/2013

« Vous avez décidé d’agir pour la biodiversité. Agir, c’est ce qui compte !

Vos actes sont des preuves enracinées  dans votre Oasis Nature tandis que les paroles s’envolent…. Bravo ! »

Hubert Reeves, astrophysicien, président de Humanité et biodiversité

 « Là où croît le péril… croît aussi ce qui sauve »

Cher petit oreiller, doux et chaud sous ma tête,
Plein de plume choisie, et blanc, et fait pour moi !
Quand on a peur du vent, des loups, de la tempête,
Cher petit oreiller, que je dors bien sur toi.

Marceline Desbordes-Valmore, Poésies inédites

Cette poésie, apprise sur les bancs de l’école, est restée gravée dans ma mémoire comme la formule d’Epicure « Pour vivre heureux, vivons cachés ».  Beaucoup de données nous parviennent  (comme le récent rapport du GIEC*), mais nous voudrions ne pas les entendre tant elles nous inquiètent et nous dépassent à la fois. Parents, nous protégeons souvent nos enfants de ces mauvaises nouvelles du monde par l’intimité de la cellule familiale et les divertissements.

Cependant, en tant qu’éducateurs, nous avons le devoir de transmettre aux jeunes toute information, fût-elle alarmante, et d’éveiller leur conscience morale et citoyenne.

Hubert Reeves, dans son dernier ouvrage Là où croît le péril… croît aussi ce qui sauve, nous invite à « ne pas refuser les faits, même s’ils semblent incompréhensibles, dérangeants ou angoissants » car « à ce titre seulement, leur connaissance peut nous venir en aide ».

Recevoir aujourd’hui le soutien de cet écologiste humaniste qui se décrit lui-même comme un optimiste volontaire, déterminé à agir, nous touche infiniment mais surtout nous encourage à poursuivre notre combat en faveur du vivant, même quand nos paupières sont lourdes.

*Le Groupement Intergouvernemental d’experts sur les évolutions du climat estime désormais que la température de la terre pourrait grimper jusqu’à 4,8 °C d’ici à 2100, et le niveau des océans s’élever de près de 1 m.

Cécile Lecocq Hubert, professeur documentaliste et professeur de philosophie.

Édito 2011/2012

Le « bonheur intérieur brut » : un bonheur durable ?

Le bonheur est la finalité ultime de l’existence humaine. En cela, il se distingue de fins plus partielles qui ne sont que des moyens à son service. Si l’homme cherche à dompter la nature, à développer des techniques et à acquérir des richesses, c’est dans l’espoir d’être heureux. Toutefois, le bonheur n’est pas la somme de plaisirs et celui qui veut le bonheur ne se contente pas d’un plaisir instantané : il recherche la continuité et la stabilité. Aucun bonheur ne peut être habité par la menace de sa propre disparition.

Le bonheur durable est-il possible ?

Épicure, philosophe incompris, pensait qu’il est à notre portée à condition de limiter, voire de supprimer certains désirs. A quoi bon, en effet, jouir de plaisirs éphémères s’ils entraînent frustrations, troubles et déséquilibres ?

Dans les années 70, le Club de Rome (scientifiques, industriels, fonctionnaires…) a dénoncé l’obsession de la croissance qui engendre des effets préjudiciables sur l’homme et son environnement. En 1990, face au PIB, mesure devenue obsolète pour mesurer la véritable richesse d’un pays, des économistes ont inventé de nouveaux indices de développement (IDH) prenant en compte la santé, l’espérance de vie, l’éducation. Pourtant, tous ces indicateurs restent insuffisants pour deux raisons :

–          Ils se concentrent sur le court terme sans prendre en compte la durabilité, concept intrinsèque à la notion de bonheur. En 2006, le « Happy planet index » insistait d’ailleurs sur la nécessité d’intégrer de nouveaux critères de durabilité comme l’empreinte écologique ou la bio-capacité (capacité à produire ses propres ressources et à absorber ses propres déchets).

–          Ce ne sont que des nombres dont la fonction est de mesurer la variation relative entre des situations. La France se trouve selon l’indice du « Bonheur intérieur brut » (BIB) à la 18ème place et l’Australie obtient la palme d’or. Un diagnostic est certes instructif mais ce qui importe est de résoudre les problèmes ou mieux de les de les anticiper.

Que ce soit à propos des OGM, du nucléaire, des rayonnements électromagnétiques, etc., il est de notre responsabilité d’éducateur de faire méditer nos jeunes aux propos d’Épicure :

« Personne, voyant le mal, ne le choisit, mais attiré par l’appât d’un bien par un mal plus grand que celui-ci, l’on est pris au piège »  Sentences vaticanes.

Cécile Lecocq Hubert, documentaliste et professeur de philosophie.

Édito 2010/2011

 « Homo debitatus »

Le 25 novembre 2007, le président Nicolas Sarkozy déclarait devant la Chambre de Commerce chinoise : « En France, nous avons créé un grand ministère du Développement durable, nous avons lancé cette grande consultation médiatique que nous avons appelée le Grenelle de l’Environnement (…). Je souhaite convaincre la Chine d’accorder à la question de l’environnement et du changement climatique, une priorité comparable à la nôtre. »

Que reste-t-il aujourd’hui du Grenelle de l’environnement ?

La question n’est pas à  l’ordre du jour et est même totalement intempestive.

La crise économique et financière a supplanté la crise écologique et tous les regards sont tournés vers la bourse qui dévisse, la dette grecque, le fragile triple A de la France. Des mesures d’austérité sont adoptées et le commun des mortels fera des sacrifices pour sauver la situation. L’homme ne peut pas vivre éternellement au-dessus de ses moyens, tout le monde en convient.

Le problème, c’est que « Homo debitatus » ne sévit pas que sur le terrain économique, il surexploite également son capital écologique. L’humanité consomme annuellement presque 30% de ressources de plus que ce que la terre peut lui offrir. Si la situation était jusqu’ici supportable, c’est parce que bon nombre d’hommes sur la planète vivaient en-dessous de nos standards de consommation. Toutefois, notre mode de vie se propage, le virus de la surabondance gagne du terrain et nous sommes à présent 7 milliards sur Terre…

L’homme est un débiteur écologique et économique parce que, plus il consomme, plus ses désirs deviennent superficiels et insatiables. Déjà en 1958, H. Arendt envisageait dans La condition de l’homme moderne : « la menace qu’éventuellement aucun objet du monde ne [serait] à l’abri de la consommation, de l’anéantissement par la consommation. » Aujourd’hui, nous savons que si des mesures politiques responsables ne contraignent pas l’homme à changer ses habitudes, nous aurons besoin de deux planètes en 2030.

Crise économique et crise écologique ne sont que les symptômes d’une même maladie et il ne suffira pas de traiter la fièvre du CAC 40 pour laisser à nos enfants un monde juste et viable.

N’est-il pas venu le moment de repenser notre mode de vie dans son ensemble ?

Cécile Lecocq Hubert, documentaliste et professeur de philosophie.

Édito 2009/2010

La faute à Descartes ?

La banquise a perdu 40% de son épaisseur en 40 ans ; chaque année, 13 millions d’hectares de forêts disparaissent ; 75% des ressources de pêche sont épuisées ou à la limite de l’être et 40% des terres cultivables sont dégradées. Cette exploitation excessive de la nature a-t-elle permis à tous les hommes de vivre dignement ?  Non.

1 milliard de personnes ont faim et n’ont pas accès à l’eau potable.

Les 20% de l’humanité qui consomment plus de 80% des ressources de la planète sont-ils devenus « comme maîtres et possesseurs de la Nature » ?

La célèbre formule est extraite du Discours de la méthode écrit en 1637 par Descartes.

Cette phrase, souvent citée, marquerait en Occident les débuts de l’utopie technicienne et de la rupture entre l’homme et la nature.

Descartes porte-t-il une responsabilité dans le déséquilibre écologique actuel ?

Le philosophe pensait, à juste titre, que la connaissance des lois de la nature nous rendrait capables de développer considérablement la technique.

Cependant, la technique n’est qu’un ensemble d’outils, de machines, de procédés mis au point par l’homme dans le but d’accomplir ses propres fins. Quelles sont-elles ?

Pour Descartes, la finalité du développement technique devait être le progrès de la condition humaine que ce soit dans le domaine du confort, de la médecine mais aussi de la morale, puisqu’en vertu de la liaison de l’âme et du corps le bon fonctionnement de l’esprit dépend de la bonne santé du corps.

Descartes envisageait bien une humanisation de la nature mais non son asservissement.

On peut en effet constater que, dans la formule « se rendre comme maître et possesseur de la Nature », Descartes prend le soin de mettre une majuscule au mot « Nature » car il la conçoit comme une instance supérieure à l’homme. Il établit également une analogie car l’homme n’est pas Dieu. Seul, le Créateur est maître de la nature et la domination de l’homme sur son milieu ne peut-être, par comparaison, que relative.

Si Descartes était parmi nous aujourd’hui, il regretterait sans doute le décalage entre les prodigieux progrès techniques et le développement de la conscience morale.

Notre travail aujourd’hui auprès des jeunes ne consiste ni à chercher des responsables à la crise écologique mondiale, ni à diaboliser la technique. Nous voudrions qu’ils comprennent que tout moyen technique doit être réglé en fonction de choix éthiques et que ces derniers sont entre leurs mains.

Cécile Lecocq-Hubert, documentaliste et professeur de philosophie.

Édito 2008/2009

Écolos, bobos, rigolos ?

Lorsque j’étais collégienne, on ne parlait pas de protection de l’environnement en classe.

Les rares discussions que nous avons eues avec nos professeurs à la suite de la catastrophe de Tchernobyl en avril 1986tournaient souvent à la caricature. Pour beaucoup d’élèves, le simple fait de s’interroger sur  les risques du nucléaire ou sur les énergies fossiles équivalait à remettre en cause notre confort. Il faudrait alors s’éclairer à la bougie et venir au collège à cheval !

Les « écolos » étaient des « rigolos ».

Aujourd’hui, je suis enseignante et la question de la protection de l’environnement est au cœur de presque tous les dispositifs pédagogiques, cependant on ne parle pas d’écologie mais de développement durable.

Ces mots et d’autres d’ailleurs (« naturel », « bio »…) sont véhiculés par les médias, et surexploités en marketing comme en politique.

Doit-on se réjouir d’un tel changement d’attitude ?

Taire les problèmes écologiques ou inonder notre vocabulaire du préfixe « éco » sont deux attitudes qui  ne s’opposent qu’en apparence.

Avant, les jeunes n’étaient pas informés, ils ne modifiaient donc pas leur comportement.

Aujourd’hui, ils se demandent si finalement le développement durable n’est pas qu’une mode.

Les « écolos », des « bobos » ?

Si tel est le cas,  « pourquoi s’affoler ou s’investir ? Toute cette agitation passera. »

Ils sont aussi perdus et perplexes : des journées de l’environnement sont organisées, des déclarations sont faites, des lois sont votées, des chiffres et des mesures sont contestés…

Alors, comment savoir, dans toutes ces fantasmagories, ce qui est vrai ou faux ? Quel est le réel état de notre planète ? Quelles mesures doivent être prises pour assurer aux générations futures un monde viable ?

Ces questions méritent d’être posées sincèrement et rationnellement car c’est de l’avenir de la Terre dont il est question.

Qui peut le faire et qui se doit d’éclairer au milieu de toutes ces nébuleuses les enfants et les adolescents ?

La réponse est : l’Ecole.

Cécile Lecocq-Hubert, documentaliste et professeur de philosophie.

Édito 2007/2008

Notre responsabilité

En 1979 paraît le livre de Hans Jonas intitulé : Le principe responsabilité.
Ce philosophe, préoccupé par la prolifération des armes et des technologies nucléaires, la généralisation des technologies génétiques et biogénétiques et la crise écologique globale, affirme qu’il incombe à l’homme de nouvelles responsabilités.
Il s’agit pour lui de repenser l’éthique car, puisque l’homme possède la puissance matérielle de détruire la nature, il porte également la responsabilité de la perpétuation de l’humanité.
Le concept de responsabilité s’exprime sous forme d’un impératif catégorique : « Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre » et « Agis de façon que les effets de ton action ne soient pas destructeurs pour la possibilité future d’une telle vie ».
Sensibiliser les élèves aux menaces qui pèsent sur l’environnement et leur donner les moyens d’agir et de lutter contre ces dégradations : cela relève de notre responsabilité d’éducateurs et d’enseignants.
Notre Dame de Mongré tend à devenir un établissement « éco-responsable » que ce soit au niveau de sa gestion (recyclage du papier, bilan thermique, légumes biologiques à la cantine…) ou de son projet éducatif.
Le travail mené cette année au lycée a concerné de nombreux niveaux, classes et disciplines scolaires.
Les élèves ont effectué des sorties, suivi des conférences et réfléchi sur divers thèmes du développement durable (le commerce équitable, le réchauffement climatique, la ville durable, les énergies renouvelables, etc.)
Ce projet « vers des lycéens éco-responsables » a vu le jour et s’est concrétisé grâce à une subvention conséquente de la Région Rhône-Alpes et grâce également à l’investissement et au civisme de toute une équipe éducative.

Nous vous livrons sous forme de journal un aperçu des activités réalisées par ces lycéens « éco-responsables » mais nous savons que nous ne devons pas nous contenter de ce travail.
En effet, si l’homme est capable de détériorer son environnement et de se détruire lui-même, il est aussi de par sa raison et sa conscience morale, perfectible.

Cécile Lecocq Hubert, documentaliste et professeur de philosophie.