C’est le 20 novembre dernier que nous, élèves de terminale S du lycée Notre-Dame de Mongré, ainsi que des élèves d’autres lycées de l’académie de Lyon et des villes de Southampton, Gent et Toulouse (qui ont participé par vidéoconférence), avons pu assister à une conférence exceptionnelle sur le thème de « Catalyse et développement durable » à l’école de Chimie Physique et Electronique ( CPE Lyon ), troisième édition d’une série de conférences portant sur les thèmes « Demain… pour une chimie choisie ».
Nous avons eu, ainsi, le plaisir de rencontrer des personnages incontournables du monde de la chimie à savoir :
Le professeur Gerhard Ertl, prix Nobel de la chimie 2007 récompensé pour ses travaux en sciences des surfaces ( qui lui ont valu le surnom de « magicien des surfaces » !) ; le professeur Yves Chauvin prix Nobel 2005 et directeur scientifique de l’institut français du pétrole ; M. Bruno Allenet, délégué GDF SUEZ et président du groupe Axéléra (chimie et environnement) ; Mlle Breme récemment titulaire du prix attribué aux jeunes chercheurs pour « Les femmes et la science »; M. Olivier Homolle, président de BASF, pour finir par M. Bastien .
Notre discussion a porté sur les préoccupations actuelles et qui font notre quotidien, telles que les avancées de la recherche en matière de développement durable, mais aussi autour du rôle prépondérant que joue la catalyse dans notre société. M. Bastien teint à préciser dès le début de la conférence que « Le monde est un monde de chimie et que les catalyseurs, étant des objets favorisant les réactions chimiques, sont des outils indispensables au monde dans lequel nous vivons ».
→ Les catalyseurs font partie intégrante de notre vie de tous les jours, notre vie entière tourne autour de la catalyse, que ce soit dans le domaine de l’industrie alimentaire, de l’industrie pharmaceutique et encore dans bien d’autres domaines.
La catalyse est présente dans toutes les transformations chimiques de l’industrie comme dans la nature, c’est un procédé que l’on rencontre tout le temps et qui est fondamental.
- La question de l’environnement et du développement durable :
La curiosité des élèves présents se tourna vite vers la question de l’environnement et des priorités de l’industrie chimique dans ce domaine. Ce qui mena les invités à parler ouvertement de projets déjà mis en place sur la question, bien que, comme ils le précisèrent à l’unanimité, « tout est à faire et à construire » !
L’industrie chimique connaît aujourd’hui un défi majeur dans ses projets sur la protection de l’environnement. Ils doivent prendre en compte de nombreux facteurs tels que la pollution, les populations et leurs modes de vie (qu’ils ont pour but d’améliorer). L’important pour eux et pour rester compétitifs sur le marché mondial (dans un climat de mondialisation) est de développer de nouveaux produits et d’utiliser de nouvelles énergies pour pouvoir élargir les horizons. Un changement de vision des choses est nécessaire dans de nombreux domaines notamment concernant l’utilisation des « bio ressources » (molécules issues de ressources naturelles) jusqu’à présent utilisées uniquement dans un but curatif. L’industrie chimique doit se montrer plus efficace au niveau environnemental en se penchant sur l’utilisation de nouveaux matériaux, ce qui implique alors une analyse approfondie du cycle de vie des matériaux.
Jusqu’à présent les connaissances dans certains domaines de la chimie étaient moindres et portaient les scientifiques à commettre de nombreuses erreurs notamment à l’origine de dégâts environnementaux, qu’il est aujourd’hui davantage possible d’éviter pour se pencher sur une pratique plus variée et intensive de la chimie. Les réactions sont désormais mieux connues et évitent de répéter les erreurs commises dans le passé.
Alors quelles sont les avancées de la chimie de nos jours ?
« Certaines entreprises comme GDF Suez ont déjà mis en place des objectifs à visée environnementale sur une base de dix ans », tient à préciser M. Allenet.
Par ailleurs, en ce qui concerne l’industrie automobile, des progrès ont été effectués grâce à l’étude des catalyseurs. Avant, toutes les voitures rejetaient du plomb, ce qui est très toxique, alors que maintenant beaucoup de nouvelles voitures possèdent des catalyseurs réduisant leur toxicité.
- De nouvelles énergies au service de l’environnement et du développement durable:
Jusqu’à maintenant le pétrole était une énergie fondamentale et qui dominait toutes les autres. Il y a eu de grands progrès sur le plan des énergies et de l’hydraulique. Par exemple, le vent est utilisé maintenant comme source d’énergie avec le développement des éoliennes.
On est sans arrêt à la recherche d’énergies moins polluantes (utilisation de l’énergie solaire), les économies d’énergie chez les particuliers comme dans l’industrie sont aussi capitales.
De plus il a récemment été développé un processus qui viserait à transformer le dioxyde de carbone CO2 par l’apport d’énergies extérieures : le transport du CO2 peut être une voie à développer pour l’avenir car il vise son renouvellement.
- Et le nucléaire dans tout ça ?:
On a trop souvent tendance à assimiler le nucléaire à une science néfaste autant pour notre environnement que pour nous-mêmes qui y vivons. Mais il est une chose que nous ignorons, ou oublions souvent et que tiennent à nous rappeler les scientifiques ici présents : « rien de ce que nous connaissons dans ce monde, n’existerait en fait sans l’intervention du nucléaire ! ».En effet toute la construction du monde, tel que nous le connaissons, s’est orchestrée à travers les multiples désintégrations nucléaires directement observables dans la nature. Mais alors d’où viennent ces a priori que nous avons sur le nucléaire ? L’avantage du nucléaire, et ce qui fait qu’il n’est pas complètement incompatible avec le développement durable, est qu’il ne rejette pas de CO2. Par contre, ce qui constitue un problème majeur, ce sont les déchets émis par le nucléaire car ils sont très difficiles à prendre en charge.
Un des intervenants souligne alors que la véritable question à se poser, concernant le nucléaire, est de savoir dans quelle mesure il est dangereux et si la maîtrise des risques est bien instaurée et va dans le sens du développement durable ?
Ce problème reste à résoudre, et chimistes et physiciens ne se sont pas encore mis d’accord sur la nature des mesures à prendre pour la prise en charge des déchets. C’est un enjeu actuel dans le sens où il est absolument nécessaire de maîtriser les risques et d’en connaître les dangers. Reste la dimension géopolitique du problème étant donné le coût élevé que représente le nucléaire de nos jours et la crise financière que connaît le monde en ce moment.
- La chimie un secteur en constante évolution et qui offre de nombreux débouchés:
Il existe des débouchés dans beaucoup de domaines qui touchent à l’industrie chimique :
– on peut trouver des métiers dans la filière environnement étant donné qu’aujourd’hui le lien entre chimie et environnement est primordial dans la compétitivité des industries.
– On trouve également beaucoup d’emplois dans les filières chimie et santé (toxicologie, éco toxicologie)
Il faut savoir que dans les prochaines années il va y avoir un besoin énorme de chimistes dans toutes les branches que ce soit des chercheurs (dans la recherche industrielle ou appliquée), ou des ingénieurs. Aujourd’hui on connaît notamment un déficit dans les domaines de la toxicologie et de l’éco toxicologie.
Les emplois vont aussi être nombreux chez les biologistes et physiciens qui travaillent dans des domaines à la frontière de ceux qui se rapportent à la chimie.
Dans les écoles comme CPE on est toujours à la recherche de nouveaux emplois du fait qu’il y a un besoin constant d’adapter les matières enseignées aux nouveaux sujets et enjeux de la chimie de demain.
De nos jours un nouveau secteur alliant chimie et électronique est en cours de développement également.
Il est important, en tant qu’acteurs de demain, que nous nous demandions ce que nous aspirons à faire : tout est entre nos mains et est à construire. C’est aussi à nous de faire évoluer et instaurer de nouvelles directions à prendre pour la chimie en nous penchant sur nos propres centres d’intérêts et nos passions.
- L’industrie chimique une industrie à visée humanitaire:
Tous les scientifiques et les industriels ont un but commun, ils n’ont pas pour objectif de commercialiser le développement durable pour en faire seulement un objet médiatique ni de dire uniquement aux gens ce qu’ils ont envie d’entendre. Leurs travaux et leurs ambitions vont plus loin !
Ils ont d’abord comme objectif d’apporter à tous une meilleure qualité de vie.
La recherche du développement n’est pas uniquement une histoire de business, le business vient ensuite.
- La chimie au cœur d’un monde aux multiples contraintes:
Ce que l’on peut constater c’est que trop souvent, à défaut de préférer prendre des décisions qui rapporteront du profit à long terme, on choisit des solutions qui feront du profit immédiat, ce qui entraîne inévitablement un contournement des règles. E n conséquence, c’est l’argent, qui bien souvent, est le principal obstacle aux innovations au service du développement durable.
En règle générale les gouvernements interrogent les scientifiques (en France, l’Académie des Sciences est là pour fournir au président des rapports précis) et ceux-ci les conseillent, mais leurs décisions reposent sur beaucoup d’autres facteurs de grande influence qui ne sont pas toujours en accord avec les opinions des scientifiques. En effet, ils se préoccupent généralement beaucoup plus des questions économiques.
- REACH: un programme à la dimension Européenne:
REACH est un règlement européen qui a pour devoir de contrôler les différentes industries chimiques et met en place une régulation des activités enregistrées.
→ Aujourd’hui 30 000 substances chimiques sont répertoriées par un règlement qui est purement européen ; on cherche à se développer dans une logique de développement durable et de bien-être des sociétés, à travers un contrôle des produits mis sur le marché.
On attend des Etats-Unis qu’ils évoluent dans la même direction que l’Europe à ce niveau là.
- La chimie verte ou chimie traditionnelle? Laquelle des deux est-il préférable de choisir?
Bien que cela puisse paraître étrange à beaucoup d’entre nous, des produits naturels peuvent être cancérigènes au même titre que des produits de synthèse. Une grande partie des produits de synthèse déclarés dangereux seront retirés du marché d’ici 11 ans grâce à la mise en application de REACH; mais il est vrai qu’il faut encore beaucoup de temps pour qu’un produit suspecté nocif soit retiré du marché.
Jusqu’à maintenant, il était difficile de mesurer la dangerosité des produits de la vie courante sur le marché. Cependant, la directrice cosmétique de REACH a déjà réussi à interdire 3000 substances qui étaient sur le marché, ce qui démontre de nombreux progrès.
L’efficacité de la chimie verte réside dans le fait qu’elle ne soit pas nocive pour la santé mais elle reste encore très chère et pas toujours accessible.
→De plus, la chimie du développement durable intervient dans le domaine de la chimie préventive et dans celui de la chimie curative.
Gerhard Ertl
Yves Chauvin
Qu’est-ce qui fait un prix Nobel ?:
« Rien dans ce monde ne s’est fait sans passion » Hegel
« L’intérêt pour ce que l’on fait est primordial ;
c’est la curiosité du chercheur qui fait une grande part de sa qualité et de son efficacité.
Il faut être intéressé par ce que l’on fait !»
« Un prix Nobel c’est le rêve de toute une vie et le meilleur aboutissement
qui soit pour les durs travaux de recherche mis en œuvre et toute l’implication qui a été fournie. »
Article rédigé par Sophie Sornet, TS2
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