Aujourd’hui en France, il est vendu en moyenne 66 millions de jeans par an. L’industrie du jean, par sa fabrication mondialisée et sa reconnaissance sur toute la planète, ne connaît pas la crise. Du fait de son uniformisation, Il s’en vend 2,3 milliards de paires par an, pour un chiffre d’affaires de 58 milliards de dollars. 86% de ces jeans sont vendus dans les pays développés. Quatre pays concentrent plus de 80% des jeans importés en Europe : le Bangladesh, la Turquie, la Chine et le Pakistan. Il n’y a là aucune surprise, ce sont les principaux bassins de production du jeans. La Turquie est l’un des grands fournisseurs de textile à l’Europe. Toutefois, l’Europe se fournit moins chez les pays de la Méditerranée (Maroc, Tunisie, Turquie) et davantage chez les pays asiatiques. Le prix moyen du jean de Tunisie est de 17€, contre 13,5€ en Turquie et 5,4€ pour le Bangladesh. Le secteur du textile, pilier de l’économie du Bangladesh, représente 80% des exportations du pays. Cela a largement contribué à faire reculer la pauvreté dans le pays, en à peine vingt ans.
En ce moment, de nouveaux pays, avec des prix plus attractifs se tournent vers la production du jean. Ce sont certains pays du continent africain : L’Éthiopie, le Kenya, le Mali et l’Égypte voient s’installer des usines de production. L’instabilité politique du pays et les risques de guerre, ici comme dans les autres pays, n’encouragent pas les affaires et n’incitent pas les entreprises à s’y installer. Ce problème récurrent est l’un des éléments qui empêchent un bon développement du continent africain.
La mondialisation de l’industrie du jean est un facteur de croissance considérable pour les pays producteurs pour qui cette production constitue une grande part de leur économie nationale. Cette mondialisation profite par ailleurs aux principaux intéressés, les consommateurs, puisqu’ils bénéficient d’une grande variété de jeans et de prix avantageux. Pour les pays rentrant dans la chaîne de production du jean, bien que cela leur permette de se développer économiquement, les impacts sont nombreux.
Avant d’arriver dans nos magasins français, le jean est produit et acheminé en huit étapes. De la culture du coton à la distribution du jean, beaucoup d’actions sont effectuées par divers acteurs. Nous pouvons, grâce à ces étapes, faire un lien entre le jean et la production du coton.
Environ deux millions d’agriculteurs produisent en moyenne plus de deux millions de tonnes de coton graine, soit près de 830 000 tonnes de fibres au taux moyen de rendement. Un jean est composé à lui seul de 600 grammes de coton avec quelques rivets et boutons en métal.
Cette production mondialisée importante engendre des conséquences humaines, sociales et environnementales désastreuses. En effet, il faut savoir que l’industrie textile est la deuxième industrie la plus polluante au monde, après l’industrie du pétrole. L’industrie du jean en fait partie. Autre exemple : le 24 avril dernier, 1 127 ouvriers sont morts dans l’effondrement d’un bâtiment abritant des ateliers de confection, près de la capitale du Bangladesh, Dacca. Un drame historique, mais loin d’être isolé, qui a mis au jour les conditions de travail déplorables des quelque 3,5 millions de salariés du secteur.
Il faut aussi savoir que la plupart des industries textiles emploient des ouvriers pour un salaire misérable. En plus de ne gagner que 2 ou 3 euros par journée de 12 heures de labeur en moyenne, ils travaillent dans des conditions dangereuses pour leur santé, car ils sont exposés aux produits chimiques utilisés notamment dans la teinture des jeans. Une étude des eaux aux abords des usines, au Xintang, a été menée par Greenpeace, en 2010. 70% des cours d’eau en Chine sont pollués à cause de l’industrie textile. Les échantillons d’eau prélevés ont été analysés, et des taux de produits chimiques bien plus élevés que la limite maximale ont été établis. On y trouve par exemple du manganèse, qui a des effets irréversibles sur le cerveau, ainsi que l’alkyl phénol, qui réduit la fertilité. D’autres techniques sont dangereuses pour la santé, comme le sablage, qui permet de lui donner un aspect « vintage », pose particulièrement problème, car il expose les travailleurs à la silice cristalline alvéolaire : libérée lors de la pulvérisation du sable, elle provoque la silicose chez ceux qui l’inhalent. A un stade avancé, cette maladie pulmonaire incurable devient invalidante, voire mortelle. Pour prendre un exemple parlant, 47 ouvriers de Turquie sont décédés après 6 mois d’exposition. Cette technique est censée être interdite dans plusieurs pays, mais la plupart ont recours à des moyens détournés pour continuer de l’utiliser. Par ailleurs, les principaux pays producteurs de coton-fibre étant la Chine, l’Inde, les États-Unis, on observe là aussi des problèmes : l ‘Ouzbékistan a été le premier pays à exploiter le coton de manière intensive et les conséquences ont été désastreuses : en 40 ans, la mer d’Aral a été divisée par trois. Cet assèchement est dû au détournement de l’eau de cette mer afin d’irriguer les champs de culture de coton d’Asie centrale. C’est l’une des plus importantes catastrophes environnementales du XXème siècle. Outre le gaspillage de l’eau, la culture de cette plante nécessite énormément d’engrais et de pesticides. L’usage d’engrais est polluant. Il faut savoir que la plupart des pesticides utilisés dans la culture du coton sont considérés comme dangereux par l’OMS (Organisation Mondiale pour la Santé) mais continuent d’être vendus par des firmes multinationales, telles que Bayer ou Monsanto, dans les pays en voie de développement, notamment en Inde.
En somme, les dommages engendrés concernent, d’une part, l’environnement : pollution des nappes phréatiques, destruction des ressources en eau, salinisation des sols, déclin de la fertilité des sols causé par une culture intensive, empoisonnement direct et indirect via la contamination des nappes phréatiques, du bétail, et d’autre part, la santé humaine : il n’est pas rare d’observer une hausse inhabituelle de nombreuses maladies et cancers chez les travailleurs ou les riverains de ces usines.
Pour chaque hectare de coton, on utilise en moyenne près de 1 kg de pesticides provoquant, selon l’OMS, chaque année de réels dégâts humains : 1 million de personnes sont intoxiquées et 22 000 personnes meurent ou se suicident, notamment en Inde, suite à la culture du coton.
Face à ce désastre, 1083 jeans, 100% écolo, travaille dans le respect de l’environnement et de ces salariés. C’est est une entreprise de jeans française. Elle a été fondée en 2013 par Thomas Huriez. Celui-ci avait déjà crée son premier commerce éthique en 2007, Modetic, un magasin de distribution de vêtements écologiques français. Il crée sa propre marque, d’abord de jeans, puis de chaussures : L’entreprise 1083 est née !
Thomas se lance alors à la recherche de sites de productions et d’experts français du jean. Ils sont difficiles à trouver car il y en a très peu. Mais il n’abandonne pas et finit par dénicher les bonnes personnes. Son projet qualifié d’ « impossible » par beaucoup finit par voir le jour. Grâce au financement participatif (ulule), il réussit à récolter les gains nécessaires au lancement de sa production.
Pourquoi ce nom 1083 ? 1083 km séparent les 2 villes les plus éloignées de l’hexagone : Menton au sud-est et Porspoder, un petit village au nord de Brest. 1083 km, c’est donc le nombre de kilomètres maximum qu’un jean peut faire pour aller de l’usine de production au consommateur. Un jean standard, quant à lui, peu parcourir jusqu’à 65.000 km lors de sa fabrication.
Aujourd’hui, depuis le lancement de 1083, plus de 30 000 jeans et chaussures ont été commandés, qui ont permis de créer 30 emplois en France.
Les jeans 1083 sont en coton bio (il vient de Tanzanie, de Turquie ou du Mali), entièrement tissés et fabriqués en France. Le fil de coton est teint dans l’une des dernières usines de teinture encore en activité en France, à Sevelinges, dans la Loire, avec des colorants dont l’innocuité (la non toxicité) est prouvée. Juste à côté, à Charlieu, on tisse la toile denim. Les pièces sont ensuite confectionnées à Marseille où on réalise la coupe du denim, la couture des différents éléments, la finition, la pose des boutons et rivets et enfin le repassage.
La seule étape de la confection qui ne se fait pas en France est celle de la filature qui a lieu en Grèce et en Belgique. En effet, il n’existe plus de filature de coton en France. Les rivets et boutons viennent également d’Italie, faute de fabricant français.
Le succès de 1083 repose en fait sur le savoir-faire de sa main d’œuvre, son implication, et la suppression des intermédiaires de distribution.
En 4 ans seulement, 1083 affiche déjà 2 millions de chiffre d’affaire. Mais le jean « made in France » est-il vraiment durable ? C’est un produit de grande consommation, et non pas de luxe, un marché hyperconcurrentiel, et non pas une niche.
1083 a adopté une réelle stratégie marketing. Pour Thomas, La communication, le marketing, c’est le pilier de 1083. . Thomas essaye d’être toujours au plus proche de ses clients ainsi que de ses fournisseurs. Au début, lors du lancement de la marque, il a fait le tour de France à vélo avec sa femme, visitant tous les fournisseurs, allant au plus proche de ses collaborateurs. 1083 étant également une des seules vraies marques totalement françaises, elle est très médiatisée. Présente au salon des artisans français, interviewée de toute part, florissante en projets, on en entend parler de partout. Ainsi, la marque touche en même temps ses clients historiques de base, très engagés dans la protection de l’environnement, mais aussi une clientèle plus mode, plus sensible au « made in France » et plus attachée au prix.
La stratégie économique de Thomas est la suivante : il a copié le modèle économique des anciens fabricants de chaussures de Romans il y a 50-60 ans, à savoir multiplier par 3 le prix de revient pour avoir le prix de vente, alors que dans la mode conventionnelle on multiplie par 10. C’est un modèle économique avec moins d’intermédiaires : environ 97 % de la valeur ajoutée de l’achat du client reste sur le territoire.
Thomas cherche une troisième voie entre le capitalisme classique et le système coopératif : il envisage la création d’une « fondation actionnaire » à laquelle il va céder la majorité de l’entreprise, ce qui va garantir à l’entreprise de ne jamais pouvoir être délocalisée, car elle va appartenir à une structure qui n’a pas de but lucratif.
Entre l’enseigne Marques Avenue et le Musée de la Chaussure, Thomas lance dans la région une nouvelle opération d’envergure : réhabiliter l’usine Jourdan, aujourd’hui une friche, pour en faire un pôle industriel, commercial et touristique. Que ce soit pour le recyclage de jeans usagés, le tissage, la confection, toute l’usine s’ouvrira au public. Des expositions, des boutiques, des jardins, des restaurants verront le jour sur le site pour un investissement total de 5 millions d’euros !
Ce secteur reste néanmoins très concurrentiel et difficilement accessible pour plusieurs raisons : tout d’abord, les prix sont relativement élevés. On peut d’ailleurs souligner que le magasin à Lyon se situe dans le quartier de la Croix Rousse, quartier d’une classe sociale plutôt élevée. De plus, les stocks ne sont jamais garantis et les clients repartent généralement sans leurs produits, qu’ils doivent alors commander. Les variétés de coupes et de couleurs ne sont pas nombreuses car l’entreprise ne peut pas, d’un point de vue financier, diversifier sa production.
La concurrence est très forte dans un milieu où le capital de base doit être élevé. 1083 a choisit une solution aléatoire : le financement participatif. Certes, l’entreprise crée des emplois, mais elle ne peut pas, à grande échelle, offrir des salaires élevés et des horaires satisfaisants pour tous.
Enfin, ce type de relocalisation n’est pas du tout soutenu par l’Etat tant sur le plan financier que moral et social, et il n’est pas à l’abri d’une crise financière importante.
En conclusion, nous insisterons sur le fait qu’ il existe réellement des conséquences sociales et environnementales à la production planétaire qu’elle celle du jean. Produit par milliards dans le monde chaque année, essentiellement au Bangladesh, il est de notre devoir de remettre en cause ce modèle et de changer notre façon de consommer, afin de prôner le vivre ensemble et le respect à la fois de la planète et des hommes et des femmes qui ont droit à la liberté. Ainsi, l’entreprise 1083 avec son nouveau modèle industriel, sa production faite de coton bio, de matériaux naturels et son respect des employés répond pleinement à ce besoin de changer de société et de créer par ailleurs de l’emploi dans un pays affaibli par le chômage et les déficits financiers, où l’industrie est en déshérence et où la délocalisation est le mot d’ordre.
Cet article a été rédigé dans le cadre de nos recherches en TPE. Madeleine Duffez, Ella Godfroy et Justine Galopin (1ES1.)
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