J’écrivais ma lettre de motivation à mon hypothétique futur patron :
« Mr Smith, je m’appelle Kévin Kart, je suis français, j’ai 21 ans et j’habite actuellement à New York. Je suis intéressé par votre proposition de formation pour devenir ingénieur aéronaval : j’ai obtenu (en France), un BAC S mention bien et j’ai eu de très bonnes appréciations de tous mes professeurs ; je travaille énormément l’anglais car, après avoir choisi d’exercer ce métier, je me rends compte de l’utilité de cette langue. Je suis passionné par les avions supersoniques et j’ai appris que votre entreprise en fabriquait ; enfin, j’aime beaucoup voyager. Lorsque je voyage, je regarde le moindre détail de l’avion dans lequel je me trouve. De plus, concevoir de la technologie moderne est une des activités qui m’intéressent le plus.
Dans l’attente d’une réponse que j’espère positive, veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mes salutations les plus distinguées. »
Je finis d’écrire cette lettre, enfin ! J’avais sommeil, il était deux heures du matin, mais je devais écrire une autre lettre de motivation pour une autre entreprise.
Le lendemain, j’allai à la poste la plus proche, je déposai les deux lettres en pensant qu’elles arriveraient à temps ; je pouvais espérer avoir enfin un poste. J’avais écrit beaucoup de lettres de motivation, personne ne m’avait jamais répondu. Les lettres avaient sûrement dû être froissées et mises à la poubelle sans que personne ne se préoccupe de mon sort. Je rentrai chez moi, épuisé : j’avais mal à la tête, au ventre et je m’endormis difficilement.
Un mois plus tard je reçus une lettre. Je regardai l’adresse de l’expéditeur et je vis qu’il s’agissait de celle de l’entreprise dans laquelle j’avais envoyé ma première lettre de motivation. Je l’ouvris très lentement, j’avais peur, peur que ma demande soit refusée. Je m’imaginais déjà réécrivant une lettre à une autre entreprise très lointaine, ce qui entraînerait un nouveau déménagement,…
Je sortis la lettre de l’enveloppe, je pris une grande inspiration et ouvris cette feuille si importante pliée en quatre.
La première phrase que je vis était :
« Mr Kévin Kart, votre demande est acceptée »
Je ne lus même pas la suite : je sautais de joie, je courais partout dans ma propre maison en criant de joie… heureusement que je n’avais pas de voisins !
Deux ans plus tard, je devins ingénieur débutant en aéronaval. Des mois passèrent et mes collègues et moi avions mis au point une nouveauté jamais construite : un avion supersonique volant à Mach 6, c’est à dire qu’il volait à une vitesse six fois supérieur à celle du son, c’était impressionnant ! Nous construisîmes aussi plusieurs avions volant à Mach 4.
Mes collègues décollèrent avec ces nouveaux engins. J’étais déçu de ne pas être avec eux mais je n’avais pas assez d’expérience.
Le seul problème de ces avions était que, comme ils allaient à une vitesse qui dépassait la limite du mur du son, ils produisaient des explosions très bruyantes dans l’air. D’ailleurs mon père me disait que les explosions engendrées par ces avions rendaient la nature furieuse et qu’un jour, elle allait se venger ! Mais je ne croyais pas à toutes ces bêtises : comment la nature pourrait-elle se venger ? Les humains ne sont-ils pas les maîtres du monde ?!
C’était impressionnant de voir la vitesse à laquelle allaient ces avions !
Mes collègues firent plusieurs essais pendant plusieurs semaines et je les regardais avec envie chaque fois qu’ils décollaient. Les mois passèrent, puis, un jour se produisit un terrible orage, le plus violent que j’avais jamais vu et il pleuvait énormément. J’allai à mon travail quand soudain, l’alarme d’alerte retentit. Elle faisait un bruit horrible et ne s’arrêtait plus. C’était effroyable : au bout de 10 minutes à peine, tout le monde courait dans les rues ; les gens étaient paniqués et moi aussi.
Tous se posaient les mêmes questions : « Que se passe-t-il ? Il y a un tsunami ? Un ouragan ? Des terroristes ? Une bombe atomique ? Où fallait-il aller ?… »
Moi, je me dirigeai toujours vers mon entreprise en courant et en espérant trouver un de mes collègues. Au bout de quelques minutes, j’en trouvai un qui courait comme un fou vers moi. Je lui demandai :
– Que se passe t-il ?
– Il y a un cyclone qui arrive droit sur nous !
Sans me poser de questions, je suivis, comme tous les autres, la direction de l’ouest, loin de l’océan, et l’alarme ne s’arrêtait toujours pas.
Au bout de quelques minutes, mon collègue me cria :
– Non ! Arrête-toi ! Allons à l’entreprise !
– Pourquoi ?
– Prenons les avions, on ira plus vite !
– Tu as raison. Mais ne peut-on rien faire pour les autres habitants ?
– Non, on ne peut pas lutter contre la nature et puis on n’a pas le temps de sauver tout le monde, allez viens ! New-York risque sûrement d’être détruit !
– Bon, partons ! »
Et nous fîmes le chemin inverse. C’était difficile car tout le monde nous bousculait mais au bout d’une petite demi-heure, nous arrivâmes à notre entreprise. Mon collègue prit un avion supersonique, et moi, je pris un avion classique.
Je décollai en direction de la France où vivaient mes parents ; mon collègue, quant à lui, partit en Italie où il connaissait des amis. Je ne sus jamais s’il était arrivé à destination…
Au bout d’environ deux cents kilomètres, l’orage était encore plus violent qu’à New York et il pleuvait plus violemment mais je devais continuer mon vol.
Quelques minutes passèrent et je vis le cyclone. A la distance où j’étais, je voyais un mince filet noir qui s’étendait de l’océan vers le ciel noir. Puis, je vis un deuxième filet noir : y avait-il un deuxième cyclone ? Ensuite j’aperçus un troisième cyclone, puis encore un et encore un autre, … Il n’y avait pas qu’un seul cyclone, il y en avait une trentaine qui arrivaient droit sur les États Unis et le pire, c’est que je ne pouvais rien faire. Je fis un grand détour pour éviter la plus grande catastrophe que les USA allait, peut-être, jamais connaître.
Au bout de plusieurs heures effroyables pendant lesquelles la tempête ne s’arrêtait jamais, j’arrivai enfin en France.
Je retrouvai mon chez-moi, mon pays, mon village natal… et ma maison. Je sonnais en espérant que mes parents seraient là. J’attendis et j’avais froid : j’étais trempé jusqu’aux os.
Après quelques minutes d’attente, j’entendis du bruit dans la maison, puis, mon père m’ouvrit.
Il avait l’air très grave, comme s’il n’avait pas envie de me voir. On se regarda pendant quelques secondes dans un silence le plus total. Enfin, ce fut mon père qui prit la parole le premier :
– Qu’est-ce que tu fais ici ? me demanda-t-il.
– Je me suis enfui des États Unis : il y a plein de cyclones qui sont arrivés là-bas ; à l’heure où nous parlons, les USA ont dû subir pas mal de dégâts. Je n’ai nul part où dormir, laisse-moi entrer.
– Non, tu dormiras dans un hôtel mais pas ici.
– Mais pourquoi ?
– Parce que je sais ce qui s’est passé aux États Unis, je regarde les informations : ils ne parlent que de ça. Imagine un peu, les États Unis n’ont pas « subi pas mal de dégâts », tout l’Est des USA est à l’heure où nous parlons sous les eaux, même New York
– Même New York ? Quel drame !! Mais cela ne répond toujours pas à ma question : pourquoi ne puis-je pas dormir ici ? Ce n’est pas de ma faute si les États Unis ont subi des cyclones, c’est un phénomène naturel !
– Si, c’est de ta faute : les trente-trois cyclones ne se sont pas déclenchés par hasard, ils ont été déclenchés par des explosions dans l’air et qu’est-ce qui a provoqué, à ton avis, ces explosions ? Ce sont tes foutus avions supersoniques !
– C’est…C’est…Ce n’est pas possible !
– Si, à cause de toi et de tes collègues, la plus grande puissance mondiale est sous les eaux, ce qui provoquera la plus grande crise mondiale que le monde ait jamais connue, alors maintenant, va-t-en ! Je ne veux plus te revoir !
– Mais attends…
Trop tard, il avait fermé la porte en me laissant seul sur le seuil.
Je partis, je ne savais même pas où…Je pleurais. Mon père avait raison, c’était de ma faute. Si je l’avais écouté, j’aurais au moins pu prévenir mes collègues de ne pas contribuer à la construction de ces avions.
J’allais dans un bar, je m’achetais deux bouteilles de whisky. Je me mis dans une ruelle entre deux immeubles, comme un clochard, et je me soûlais.
Le lendemain, je me retrouvai dans la même ruelle mais entre deux poubelles et on m’avait volé mon blouson.
Je me rappelais les évènements de ces derniers jours en m’insultant moi-même. Je ne pouvais plus vivre avec ce poids sur la conscience.
Je me dirigeais vers l’ouest de la France. Je pris mon avion une dernière fois, je décollais, j’allais le plus haut que je pus. J’avais fait une petite demi-heure de vol quand je pressai le bouton « pilote automatique », je me dirigeai vers la porte de sortie et l’ouvrit. Un grand courant d’air me frappa, je comptai jusqu’à trois, et, quand le nombre trois sortit de ma bouche, je sautai.
Je descendis à une vitesse fulgurante et tombai vers ma destination : le fond de l’océan.
Je ne paniquais pas, je n’avais même pas peur mais je descendais toujours.
Au moment où mon corps allait percuter la surface de l’eau et donc me tuer, je fermai les yeux.
Je ne sentis rien, j’étais déjà peut-être mort. Je rouvris les yeux et, au lieu de me retrouver au fond de l’océan, j’étais dans mon bureau, en sueur avec mon pyjama trempé. J’avais deux lettres de motivation devant moi, l’une déjà terminée tandis que l’autre avait de l’encre jusqu’à la moitié de la feuille. Ce n’était donc qu’un rêve ?
Je me dirigeai vers mon lit complètement abasourdi et m’endormis.
Le lendemain, je froissai les deux lettres de motivations et en recommençai une autre mais, cette fois, elle était destinée à une association de protection de l’environnement, ce que m’avait toujours conseillé mon père.
Valentin DUROUSSIN (2°4)
Ce travail a été réalisé, à la suite de l’intervention d’une conteuse au CDI avec Madame Neau (professeur de français) et Madame Lecocq Hubert (documentaliste).
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